François Villeroy de Galhau détaille les défis économiques majeurs pour la France
Invité de la matinale Europe 1 / CNews le 10 décembre 2025, le gouverneur de la Banque de France a dressé un diagnostic précis de la situation économique du pays. Déficit public, retraites, croissance, confiance des marchés ou encore évolution des taux : il a clarifié les enjeux et les risques qui pèsent sur la France en cette fin d'année.

Un objectif de réduction du déficit encore loin d'être acquis
Interrogé après l'adoption du budget de la Sécurité sociale, François Villeroy de Galhau a rappelé que la trajectoire budgétaire française reste très incertaine. Le déficit public global atteint cette année 5,4 % du PIB, et la France s'est engagée à revenir à 3 % d'ici 2029. Pour y parvenir, le gouverneur estime nécessaire de réduire d'un quart l'écart dès 2026, soit viser un déficit autour de 4,8 %. Selon lui, « vu d'aujourd'hui », la France n'est pas en bonne voie pour atteindre ce niveau, laissant planer des doutes sur la capacité du pays à enrayer la hausse de sa dette.
Il met aussi en garde sur les conséquences directes de cette dérive : la France est désormais le pays de la zone euro qui emprunte au coût le plus élevé, un renversement complet par rapport aux années précédentes. Cette perte de crédibilité pèse sur la confiance des investisseurs comme sur le moral des ménages.
La maîtrise des dépenses publiques jugée indispensable
Le gouverneur rappelle que la hausse des dépenses publiques françaises a été soutenue sur les deux dernières décennies, avec une progression annuelle moyenne de 1,4 % en volume. Pour revenir à un déficit maîtrisé, il juge qu'une stabilisation des dépenses en termes réels serait suffisante. Autrement dit, faire évoluer les dépenses au rythme de l'inflation et non au-delà.
Il souligne par ailleurs que certains postes de dépense devront être examinés, notamment les pensions de retraite, dont l'augmentation explique à elle seule près de la moitié de la progression des dépenses publiques depuis vingt ans. Même si la Banque de France ne se prononce pas sur les mesures exactes, il appelle à rechercher des compromis « à l'image de ce que réalisent d'autres pays européens ».
Une économie résistante, malgré un climat politique instable
La Banque de France a publié ce matin les résultats de son enquête de conjoncture menée auprès de 8 500 dirigeants. Ces données montrent que l'économie française se comporte mieux que prévu malgré l'incertitude politique. Après une croissance de +0,5 % au troisième trimestre, un léger progrès de +0,2 % est anticipé pour le quatrième trimestre.
Le gouverneur insiste sur la contribution des entreprises et des salariés, rappelant qu'il n'y a jamais eu autant d'heures travaillées en France qu'aujourd'hui. La Banque de France prévoit d'ailleurs de relever sa prévision de croissance pour 2025, initialement estimée à +0,7 %, ainsi que celle de 2026, attendue pour le moment à +0,9 %.
| Indicateur | Niveau actuel | Commentaires |
|---|---|---|
| Croissance T3 2025 | +0,5 % | Meilleure performance qu'anticipé |
| Prévision T4 2025 | +0,2 % | Activité positive malgré le contexte politique |
| Prévision 2025 (Dernière estimation) | 0,7 % | Révision à la hausse attendue le 19 décembre |
Un coût économique important lié à l'incertitude politique
Selon une estimation évoquée par le gouverneur, l'incertitude globale – nationale et internationale – prive la France d'environ 0,5 point de croissance. La seule composante intérieure coûterait au moins 0,2 point, soit environ 6 milliards d'euros. Cette situation incite les ménages à renforcer leur épargne au détriment de la consommation et freine les investissements des entreprises. Il avertit également que cette instabilité affaiblit la position européenne de la France au moment même où la souveraineté économique devient un enjeu stratégique.
Des taux directeurs stables et des conditions favorables au crédit
À une semaine de la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE, François Villeroy de Galhau estime que le maintien des taux européens à leur niveau actuel, autour de 2 %, serait « une position raisonnable ». Il écarte totalement l'hypothèse d'une remontée des taux à court terme, notant que l'Europe bénéficie déjà des conditions monétaires les plus favorables parmi les grandes économies. Les États-Unis conservent des taux presque deux fois plus élevés, et le Royaume-Uni se situe autour de 4 %.
Ces niveaux favorables se reflètent directement dans le crédit immobilier, dont la production s'est redressée à l'automne, avec des taux de prêt moyens stabilisés autour de 3,1 %.
Des pistes pour améliorer l'efficacité de la dépense publique
Interrogé sur les suggestions visant à réduire le nombre de fonctionnaires ou à revoir la durée de leur temps de travail, le gouverneur préfère s'en tenir à une logique de pragmatisme. Il cite plusieurs pistes possibles, comme l'ajustement de certains avantages fiscaux ou la révision de dispositifs coûteux, sans toutefois privilégier un levier particulier. Il plaide pour comparer systématiquement les résultats français à ceux des pays européens qui réussissent le mieux dans chaque domaine public.
L'épargne des Français restera pleinement protégée
Face aux inquiétudes exprimées par une partie de la population, François Villeroy de Galhau se veut extrêmement clair : il n'est absolument pas envisagé que l'État puise dans l'épargne privée. Il rappelle que les placements des ménages – du Livret A à l'assurance-vie en passant par le PEA – contribuent au financement des entreprises et à l'innovation. Pour lui, l'enjeu n'est pas de ponctionner cette épargne, mais de mieux orienter les capitaux européens vers leurs propres besoins de croissance, plutôt que de laisser les États-Unis capter une part disproportionnée de ces ressources.