Airbnb en copropriété : les interdictions se multiplient après le durcissement de la loi
Avec l'entrée en vigueur de la loi Le Meur, les copropriétés disposent désormais de leviers bien plus puissants pour limiter les locations de courte durée. Cette évolution législative crée une forte pression sur certains propriétaires et provoque déjà des ventes rapides dans les grandes agglomérations.

Une majorité désormais suffisante pour limiter les meublés touristiques
La loi du 21 novembre 2024 a profondément modifié le fonctionnement des copropriétés face aux locations saisonnières. Si la réduction du plafond annuel de location de 120 à 90 jours a attiré l'attention du grand public, une autre disposition a un impact bien plus structurant : la possibilité d'interdire ou de restreindre les meublés touristiques à la majorité des deux tiers. Jusque-là, l'unanimité était indispensable, ce qui bloquait quasi systématiquement les décisions.
Ce nouveau vote facilité concerne les immeubles dotés d'une clause d'« habitation bourgeoise » ainsi que les locations réalisées en dehors de la résidence principale. Résultat : de nombreuses copropriétés s'emparent désormais de ces nouvelles règles pour encadrer – voire bannir – les locations de type Airbnb dans leurs immeubles.
Des propriétaires tentés de contourner les règles malgré les risques
Malgré ce cadre strict, certains bailleurs continuent de louer leur bien à des touristes, estimant que ces restrictions portent atteinte à leurs droits. Les contrôles demeurent limités, ce qui rend la fraude relativement fréquente. Plusieurs professionnels du secteur soulignent qu'il existe peu d'agents chargés de vérifier les annonces irrégulières, une faiblesse qui nourrit les contournements.
À Paris, le candidat aux municipales de 2026 Ian Brossat soutient l'idée d'une « police du logement », convaincu que le renforcement des moyens de contrôle est indispensable. Les municipalités s'appuient encore beaucoup sur les signalements de voisins, souvent excédés par les nuisances sonores, les allées et venues incessantes et les dégradations dans les parties communes.
Les notaires confirment une multiplication des conflits internes, notamment dans les villes touristiques. À Nice, par exemple, de plus en plus de copropriétés votent des interdictions, irritées par les valises qui roulent dans les couloirs et les chocs contre les murs, selon plusieurs professionnels locaux.
Des ventes accélérées pour éviter les sanctions
Face à la possibilité d'être assignés en justice par leur copropriété, certains propriétaires préfèrent désormais vendre leur logement avant qu'une interdiction ne soit votée ou qu'une action judiciaire soit engagée. C'est ce que relève la porte-parole des notaires du Grand Paris, qui observe une hausse des ventes rapides de biens utilisés pour la location touristique.
Les risques sont importants : cessation forcée de l'activité, dommages et intérêts pour nuisances, et actions judiciaires lourdes pour non-respect du règlement. Les propriétaires cherchant à se protéger examinent donc de près la conformité du règlement de copropriété, car toute décision votée en assemblée doit s'appuyer sur un texte clair et compatible avec la loi.
Des interdictions invalidées par les tribunaux dans certains cas
Selon Me Xavier Demeuzoy, spécialiste des locations meublées touristiques, la majorité qualifiée n'est applicable que si le règlement interdit déjà les activités commerciales dans les lots non destinés à cet usage. Il rappelle également que toute décision qui limite les droits des copropriétaires sans être cohérente avec la destination de l'immeuble peut être déclarée « non écrite ».
Cette analyse a été confirmée par une décision du Tribunal judiciaire de Nice du 21 août 2025, qui a estimé que l'interdiction votée par une copropriété n'était pas justifiée, l'immeuble ayant une vocation mixte : commerces, professions libérales, crèche et service municipal. La diversité des usages empêchait de considérer les meublés touristiques comme contraires à la destination des lieux.