Assurance émeutes : vers une couverture obligatoire des violences urbaines
Le projet de loi de finances 2026 relance l'idée d'une assurance obligatoire contre les violences urbaines, intégrée aux contrats d'assurance dommages. Le dispositif, encore en débat, suscite de vives inquiétudes pour son coût et sa faisabilité, tant pour les assureurs que pour les assurés.

Une réintroduction inattendue dans le projet de loi de finances
Alors que la question semblait écartée, le gouvernement a déposé un amendement au Sénat introduisant une garantie obligatoire contre les émeutes urbaines dans les contrats d'assurance dommages. Cette initiative, intégrée discrètement au PLF 2026, n'a pas été précédée de concertation avec les acteurs du secteur, surprenant assureurs et intermédiaires.
Cet amendement fait suite à des études menées dès l'été sur la couverture des dommages liés aux violences urbaines, incluant la création possible d'un fonds étatique d'indemnisation des sinistres dès le premier euro.
Principe de mutualisation nationale inspiré des catastrophes naturelles
Le mécanisme repose sur la mutualisation des risques : tous les contrats d'assurance dommages, qu'ils concernent des particuliers, entreprises ou collectivités locales, intégreraient cette couverture émeutes. L'objectif est de répartir le coût du risque sur un large panel d'assurés pour maintenir la soutenabilité financière du dispositif.
Pour financer ce mécanisme, une surprime d'environ 5 % serait ajoutée aux cotisations des assurances habitation et auto, venant s'ajouter aux surtaxes déjà existantes pour les catastrophes naturelles ou les risques climatiques.
Encadrement juridique précis et exclusions ciblées
L'amendement définit juridiquement les violences urbaines comme des actions collectives violentes visant à imposer des revendications sociales ou politiques. Une commission serait chargée de valider l'éligibilité des événements pour éviter les contentieux.
Certains événements sont explicitement exclus : attentats, cyberattaques et actes de guerre continueront d'être couverts par d'autres régimes spécifiques.
Un fonds de mutualisation et un rôle potentiel de la réassurance publique
Le projet prévoit la création d'un fonds dédié, alimenté par les surprimes, destiné à indemniser les dommages matériels dans la limite de sa capacité. Ce mécanisme vise à lisser les coûts sur le long terme et à éviter des appels de fonds exceptionnels.
La Caisse centrale de réassurance (CCR), avec garantie étatique, pourrait intervenir comme réassureur public, sous réserve de validation par la Commission européenne. Un décret d'application sera nécessaire dans les douze mois suivant cette approbation.
Des inquiétudes croissantes chez les assureurs et les assurés
Les professionnels du secteur craignent que l'addition de nouvelles surprimes complique la communication commerciale et augmente les risques de résiliations ou de sous-assurance. En 2026, les tarifs multirisques habitation ont déjà enregistré une hausse moyenne de 8 %, et l'ajout d'une surprime émeutes accentuerait cette tendance.
Certains experts estiment que les violences urbaines sont davantage un risque régalien que privé, remettant en question l'adéquation d'une couverture assurantielle classique.
Cas particulier de la Nouvelle-Calédonie et partage du risque
L'amendement permet de consacrer jusqu'à un tiers du fonds aux sinistres survenus en Nouvelle-Calédonie, en réponse aux événements de 2024 dont le coût a dépassé le milliard d'euros. Cette clause illustre les difficultés d'équilibrer certains risques localement sans un soutien étatique conséquent.
L'État ne sera pas tenu civilement responsable des dommages couverts, relançant le débat sur la répartition du risque entre secteur public et assurances privées.
Un débat parlementaire crucial pour l'avenir du dispositif
La réintroduction de l'assurance émeutes obligatoire répond à la pression sur l'assurabilité des risques urbains. Néanmoins, sans un partage clair du risque et une concertation avec les acteurs du marché, le dispositif pourrait fragiliser à la fois les assurés et le secteur. Les prochaines discussions parlementaires détermineront si ce mécanisme pourra être pérennisé.