Un amendement sur les logements sous-occupés relance le débat fiscal
L'adoption inattendue d'un amendement au Sénat relançant la fusion des taxes sur les résidences secondaires et les logements vacants secoue la scène politique. La mesure, portée par des députés de gauche, entend lutter contre la tension immobilière dans les zones les plus saturées. Mais le projet suscite déjà des critiques juridiques et idéologiques.

Un vote surprise au Sénat aux conséquences potentiellement majeures
Les sénateurs ont créé la surprise en validant un amendement déposé par des députés de gauche visant à regrouper en un seul dispositif la taxe sur les logements vacants et celle appliquée aux résidences secondaires. Cette fusion, si elle était intégrée dans la version finale du budget 2026, instaurerait un nouvel outil fiscal destiné à décourager la sous-occupation des logements dans les zones les plus en tension.
Selon les auteurs de l'amendement, « la fiscalité incitative sur les logements sous-utilisés ou vacants permet, lorsqu'elle est bien calibrée, de réduire efficacement la pression immobilière ». Le périmètre concerné serait limité aux zones ultra-tendues, où l'écart entre l'offre et la demande dépasse largement les capacités locales, un phénomène particulièrement visible dans les métropoles et sur les territoires touristiques à forte proportion de résidences secondaires, comme la Côte d'Azur.
Un nouveau barème fiscal aux contours encore flous
La mise en oeuvre pratique de cette taxe unifiée reste toutefois incertaine. Aujourd'hui, un logement vacant est imposé à 17 % la première année de vacance taxable, puis à 34 % les années suivantes. À l'inverse, le taux appliqué aux résidences secondaires relève du libre choix des communes, pouvant entraîner une majoration allant de 5 % à 60 %.
Le texte adopté au Sénat prévoit que le taux de la future taxe serait déterminé localement, mais plafonné à six fois le taux appliqué aux résidences secondaires en 2025, surtaxe comprise. Cette latitude, inédite dans le cadre des taxes locales, inquiète certains spécialistes du droit fiscal. Pour l'avocat Jean-Pascal Michaud, « c'est aberrant ! Cela pose une question de constitutionnalité ».
À l'inverse, Jacques Baudrier considère que ce dispositif pourrait libérer des milliers de logements dans les territoires en tension. S'appuyant sur des données sur les logements inoccupés, il estime que Paris pourrait récupérer jusqu'à 100 000 logements, et près d'un million sur l'ensemble des zones tendues, qui compteraient environ 2,5 millions de résidences secondaires et logements vacants.
Un débat idéologique autour de l'usage des résidences secondaires
La proposition met en lumière une fracture croissante entre partisans d'un encadrement renforcé de la propriété et défenseurs du droit des propriétaires. Pour certains responsables de gauche, le modèle économique reposant sur la multiplication des résidences secondaires contribue à déséquilibrer durablement les marchés locaux. Une analyse partagée par Jérôme Fourquet, de l'Ifop, pour qui ces biens sont devenus un « enjeu politique » susceptible de peser lors des prochaines municipales.
Jean-Pascal Michaud dénonce pourtant une logique qui « grignote le droit de propriété » et place les propriétaires dans une position injustifiée. À cela, Jacques Baudrier rétorque : « À Paris, 40% des propriétaires possèdent au moins cinq biens immobiliers », rappelant l'augmentation annuelle d'environ 7000 logements vacants alors que la capitale perd simultanément près de 8000 logements destinés à la location.
Une confusion persistante entre vacance et sous-occupation
Le débat s'est également déplacé sur la distinction entre logements vacants et résidences secondaires. Pour Jean-Pascal Michaud, assimiler les deux catégories est « totalement absurde » car l'un correspond à un logement vide, l'autre à une occupation non permanente. Jacques Baudrier conteste cette vision, affirmant que « les logements vacants sont très souvent des résidences secondaires ».
Les données de l'Insee apportent une nuance essentielle. L'institut distingue clairement les résidences principales (31,7 millions au 1er janvier 2025), les résidences secondaires ou logements occasionnels (3,8 millions) et les logements vacants (3 millions). La vacance peut être volontaire, liée à une succession, due à des travaux ou simplement consécutive à un changement de locataire. Une précision qui complexifie la lecture des chiffres avancés dans le débat.