Trêve hivernale 2025-2026 : les expulsions locatives suspendues jusqu'au 31 mars
La trêve hivernale entre en vigueur ce samedi 1er novembre 2025. Pendant cinq mois, les expulsions locatives sont suspendues en France, sauf cas particuliers. Une mesure sociale essentielle, alors que les expulsions ont atteint un niveau record en 2024.

Une trêve hivernale cruciale après une année record d'expulsions
La trêve hivernale s'étend cette année du 1er novembre 2025 au 31 mars 2026. Durant cette période, aucun locataire ne peut être expulsé de son logement, même en cas d'impayés, sauf exceptions prévues par la loi. Cette pause hivernale, instaurée en 1956, vise à protéger les ménages les plus fragiles durant les mois les plus froids de l'année.
Cette édition s'ouvre dans un contexte tendu : selon la Fondation Abbé Pierre, 24 556 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique en 2024, soit une hausse de 29 % en un an et de 223 % en vingt ans. En 2023, le chiffre s'élevait à 19 000, et à un peu plus de 16 000 en 2022. L'association s'alarme de cette dynamique, dénonçant une “politique de l'expulsion" au détriment de la prévention et du traitement des dettes locatives.
Une législation récente pointée du doigt
La Fondation pour le logement attribue en partie cette hausse à la loi du 27 juillet 2023 portée par l'ancien ministre du Logement, Guillaume Kasbarian. Ce texte, destiné à lutter contre l'occupation illégale des logements, a également raccourci les délais d'expulsion. La procédure peut désormais aboutir en un an au lieu de trois, et le délai entre le commandement de payer et l'assignation est passé de deux mois à six semaines.
Pour de nombreuses associations, ces ajustements fragilisent les locataires précaires. Selon le réseau Accompagnement aux droits liés à l'Habitat (ADLH), 77 % des structures interrogées estiment qu'il est désormais plus difficile d'obtenir des délais de paiement, et 62 % jugent que les reports d'expulsion sont plus rares. “Des familles sont désormais expulsées pour quelques centaines d'euros de dettes", alerte la Fondation, qui considère que ces politiques pénalisent à la fois les locataires et les propriétaires en multipliant les situations d'impayés non recouvrés.
Des conditions plus strictes pour obtenir un délai de paiement
Les règles d'obtention d'un délai de paiement ont également été durcies. Un locataire doit désormais avoir repris le versement intégral du loyer avant la date de l'audience pour espérer conserver son logement. Un étudiant toulousain a ainsi vu son bail résilié au printemps 2024 : bien qu'il ait remboursé 2 180 € sur une dette totale de 3 000 €, le juge a estimé que le versement complet n'était pas intervenu avant la convocation.
Pour remédier à ces situations, la Fondation du logement plaide pour un renforcement du fonds d'indemnisation des bailleurs. Ce dispositif permettrait de différer l'intervention de la force publique, tout en indemnisant les propriétaires. L'association suggère également de transférer la gestion de ce fonds du ministère de l'Intérieur à celui du Logement, afin de replacer la prévention au coeur des politiques publiques.
Des exceptions au principe de suspension
La trêve hivernale ne s'applique pas à tous les cas. Les squatteurs occupant illégalement un logement, les auteurs de violences conjugales expulsés sur décision judiciaire, les étudiants du Crous ne respectant plus les conditions de leur hébergement ou encore les occupants d'immeubles dangereux ne bénéficient pas de la suspension des expulsions.
En revanche, les propriétaires ne sont pas totalement désarmés pendant cette période. Ils peuvent engager des démarches judiciaires - comme la saisie du tribunal ou la mise en demeure - afin de préparer une éventuelle expulsion à la fin de la trêve. Ces actions permettent de préserver leurs droits sans enfreindre la législation en vigueur.
Un équilibre toujours délicat entre protection et justice sociale
Chaque année, la trêve hivernale symbolise un équilibre fragile entre solidarité et responsabilité. Si elle protège des milliers de ménages contre la perte de leur logement en hiver, elle met aussi en lumière les limites du système actuel de prévention des impayés. Les associations appellent à un rééquilibrage : mieux accompagner les ménages endettés en amont, tout en soutenant les propriétaires confrontés à des loyers impayés récurrents.
Alors que les températures baissent et que la crise du logement s'aggrave, cette trêve hivernale 2025-2026 apparaît comme une respiration nécessaire. Mais elle ne saurait suffire sans une politique de prévention et de logement social renforcée, seule capable de freiner la hausse continue des expulsions en France.