Loi Lemoine : vers une véritable liberté pour l'assurance emprunteur
La loi Lemoine, adoptée pour simplifier la résiliation et renforcer la concurrence dans l'assurance emprunteur, fête ses deux ans. Si elle a offert plus de liberté aux consommateurs, certaines banques continuent de ralentir les démarches, freinant ainsi les économies possibles pour les ménages. Les récentes sanctions de la DGCCRF pourraient cependant changer la donne en 2026.

Assurance emprunteur : une liberté encore entravée sur le terrain
En théorie, la loi Lemoine permet à tout emprunteur de changer d'assurance de prêt à tout moment, sans frais ni pénalités. Dans la pratique, le chemin reste semé d'obstacles. Malgré la suppression des contraintes imposées par les banques, de nombreux dossiers subissent des lenteurs administratives ou des refus injustifiés, limitant l'accès à cette liberté nouvelle.
Depuis la loi Lagarde en 2010, les emprunteurs peuvent refuser l'assurance groupe proposée par leur banque. Les réformes successives, avec la loi Hamon (2014) et la loi Bourquin (2017), avaient déjà ouvert la porte à des résiliations facilitées, mais c'est bien la loi Lemoine (2022) qui offre aujourd'hui une résiliation à tout moment, sans justification ni préavis.
Des pratiques bancaires qui freinent la concurrence
Selon l'Apcade, plus de 55 % des demandes de substitution d'assurance en 2023 ont été retardées. Les banques invoquent des problèmes « techniques » ou « administratifs », mais ces retards servent souvent à décourager les emprunteurs et limiter la concurrence sur le marché.
Certains établissements multiplient les échanges de documents, réclament des pièces déjà fournies ou tardent à transmettre l'avenant au contrat de prêt. Pourtant, l'article L.313-31 du Code de la consommation précise :
- Réponse obligatoire sous 10 jours ouvrés à toute demande de substitution ;
- Transmission de l'avenant sans frais si la demande est acceptée ;
- Refus motivé uniquement en cas de non-équivalence des garanties.
Tout manquement expose la banque à une amende administrative pouvant atteindre 15 000 €.
La DGCCRF sanctionne les banques récalcitrantes
Face à ces pratiques, la DGCCRF a infligé en octobre 2025 plusieurs amendes significatives :
- CIC Est : 196 000 €
- BRED Banque Populaire : 298 000 €
- Caisse d'Épargne Île-de-France : 80 000 €
- Crédit Agricole Paris Île-de-France : 323 518 €
Ces sanctions concernent le non-respect du délai légal de 10 jours ouvrés pour traiter les demandes de substitution et rappellent que la loi Lemoine est une obligation juridique, non une simple recommandation.
Des retards qui pénalisent les emprunteurs
Le non-respect des délais impacte directement le pouvoir d'achat des ménages. Une substitution d'assurance peut permettre d'économiser plusieurs milliers d'euros sur la durée d'un prêt. Selon l'Apcade :
- 1 demande sur 2 dépasse le délai légal ;
- 1 demande sur 3 nécessite plus de 20 jours pour obtenir une réponse ;
- Les économies potentielles grâce à la loi Lemoine peuvent atteindre 15 000 € sur 20 ans.
Ces obstacles découragent les emprunteurs et favorisent les bancassureurs, qui détiennent encore environ 85 % du marché.
La loi Lemoine : un levier pour un marché plus équitable
Au-delà de la résiliation simplifiée, la loi Lemoine comprend deux mesures inclusives majeures :
- Suppression du questionnaire médical pour les parts assurées jusqu'à 200 000 €, remboursées avant 60 ans ;
- Réduction du droit à l'oubli de 10 à 5 ans après guérison complète d'un cancer ou d'une hépatite C.
Ces avancées facilitent l'accès au crédit pour les emprunteurs ayant des antécédents médicaux, jusqu'alors pénalisés par des surprimes ou des refus.
Vers une application effective de la loi en 2026
Les enquêtes de la DGCCRF couvrant la période 2022-2025 laissent présager une intensification des contrôles en 2026. L'objectif est clair : faire respecter la loi, rétablir un équilibre entre banques et consommateurs et stimuler la concurrence. Les courtiers et plateformes indépendantes jouent également un rôle clé pour sensibiliser les emprunteurs et leur permettre de profiter pleinement des avantages de la délégation d'assurance.
Si les banques appliquent enfin la réglementation, la loi Lemoine pourrait transformer le marché de l'assurance emprunteur : plus de transparence, plus de concurrence et des économies concrètes pour les ménages.
Sources : DGCCRF, Apcade, Code de la consommation.