Impôt sur la fortune improductive : ce que prévoit la réforme 2026
Adopté en première lecture dans le cadre du projet de loi de finances 2026, un amendement du groupe MoDem propose de transformer l'actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive. Cette refonte fiscale redessinerait l'assiette de l'imposition du patrimoine, en y intégrant les actifs considérés comme peu ou non productifs, dont certains fonds en euros de l'assurance vie.

Une refonte fiscale ciblant les patrimoines non productifs
Le futur impôt sur la fortune improductive conserverait le seuil d'imposition actuel, fixé à 1,3 million d'euros de patrimoine net taxable. Toutefois, le barème progressif (compris entre 0,5 % et 1,5 %) serait remplacé par un taux unique de 1 %, appliqué sur la part du patrimoine dépassant ce seuil. Cette mesure vise, selon ses auteurs, à rendre la fiscalité du capital plus lisible et à orienter l'épargne vers des placements jugés productifs.
L'innovation principale réside dans l'élargissement du périmètre taxable : seraient désormais inclus les objets de valeur (comme les bijoux, métaux précieux, avions ou voitures de collection), les actifs numériques tels que les cryptomonnaies, ainsi que les contrats d'assurance vie en fonds en euros, souvent considérés comme peu dynamiques économiquement. En revanche, la résidence principale continuerait de bénéficier de l'abattement existant.
Les fonds euros dans le viseur du nouvel impôt
Cette inclusion des fonds euros au sein du nouvel IFI constitue la mesure la plus controversée du texte. En l'absence d'estimation officielle du nombre de foyers concernés, les spécialistes estiment que les détenteurs de contrats d'assurance vie à forte composante en euros, combinés à des biens immobiliers et des actifs matériels de valeur, pourraient franchir le seuil d'imposition.
Concrètement, un contribuable détenant plus de 1,3 million d'euros d'actifs « improductifs » – cumulant patrimoine immobilier (hors résidence principale), épargne en fonds euros et objets de valeur – deviendrait redevable de ce nouvel impôt sur la fraction excédentaire. Selon la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, cette réforme pourrait rapporter environ 500 millions d'euros par an à l'État.
Des critiques fortes du secteur de l'assurance
La réaction du monde de l'assurance ne s'est pas fait attendre. Gérard Bekerman, président de l'Association française d'épargne et de retraite (Afer), dénonce une mesure « économiquement contre-productive ». Selon lui, qualifier les fonds en euros d'improductifs revient à ignorer leur rôle essentiel : financer l'État, soutenir les entreprises et protéger les épargnants face aux aléas économiques. Il estime qu'une telle taxation pourrait générer un rendement fiscal marginal, mais un surcoût annuel de plusieurs milliards d'euros pour la dette publique.
Un avis partagé par Paul Esmein, directeur général de France Assureurs, pour qui les fonds euros participent pleinement au financement de l'économie réelle via leurs placements obligataires et actions. Selon lui, leur assimilation à des actifs improductifs relève d'une « lecture erronée de la réalité économique ».
Plus largement, les professionnels redoutent que la mesure pousse les épargnants à se détourner des fonds euros, au profit des unités de compte, plus risquées et volatiles. Une telle évolution transférerait une part importante du risque financier vers les ménages, remettant en cause l'équilibre traditionnel des contrats d'assurance vie fondés sur la garantie du capital et la mutualisation des risques.
Un débat fiscal loin d'être tranché
Le texte n'a été adopté qu'en première lecture et pourrait encore être modifié lors de son passage au Sénat. Faute d'adoption complète du volet recettes, le gouvernement pourrait être amené à présenter une version rectifiée. L'amendement, perçu comme une alternative à la « taxe Zucman » rejetée quelques semaines plus tôt, pourrait servir de compromis entre la majorité présidentielle et les groupes de gauche, sous réserve d'un accord politique et constitutionnel.
Pour l'heure, le nouvel impôt sur la fortune improductive soulève autant d'interrogations que de débats. Entre volonté de moderniser la fiscalité du patrimoine et risque de fragiliser un pilier central de l'épargne française, le gouvernement marche sur une ligne étroite. Les prochains débats parlementaires diront si cette réforme marque une véritable évolution structurelle ou un simple ajustement politique.